Repenser le CDI dans les PME

Ces dernières semaines, dans les pages de l’Echo et ailleurs, deux acteurs de l’écosystème entrepreneurial wallon ont dévoilé leur vision pour les années à venir :

  • L’incubateur WSL, désormais Ignity, dont le nouveau CEO dévoile ses ambitions pour le développement de start-ups technologiques et la nécessité de renforcer les équipes dirigeantes de celles-ci.
  • & Wallonie Entreprendre qui annonce un plan d’investissement de 2.5 milliards d’euros pour transformer durablement l’économie wallonne avec, entre autre, la volonté de créer 2500 entreprises et assurer la transmission de 1750 autres entreprises.

Si les outils pour stimuler l’entrepreneuriat et la transmission existent bel et bien, une question centrale reste en suspens : disposons-nous des compétences managériales nécessaires pour accompagner cette ambition ? Il ne s’agit pas d’un déficit de talents wallons ou bruxellois, mais plutôt d’un décalage entre les besoins opérationnels des PME et les modèles traditionnels de recrutement. Derrière chaque projet et derrière les figures inspirantes de quelques entrepreneurs à succès, il faudra équiper ses « milliers » d’entreprises de dirigeants compétents, de managers expérimentés et ce, à tous les étages de l’organigramme.

Les limites du modèle CDI

Aujourd’hui encore, les PME reproduisent des schémas issus des grandes entreprises : le recrutement en CDI à temps pleinreste la norme. Mais ce modèle, hérité d’un autre temps, ne répond plus à la diversité des enjeux managériaux en 2025.

Pourquoi ? Parce qu’un CDI, surtout à temps plein, n’est pas toujours adapté à des besoins évolutifs, ni à des fonctions à charge variable, ni tout simplement supportable financièrement. Recruter un directeur RH, financier ou marketing pour cinq jours par semaine peut s’avérer coûteux, rigide et parfois contre-productif.

Fractionner le leadership : une alternative en pleine émergence

Face à cette rigidité, de nouveaux modèles d’organisation émergent, dont celui du leadership fractionnéLe principe est simple : un manager expérimenté est engagé à temps partiel (entre 3 et 6 jours/mois par exemple), selon les priorités du moment (transmission, lancement de produit, changement d’outil, repositionnement stratégique, restructuration d’équipe, etc.). L’application de cette nouvelle forme de management est idéale pour des fonctions de DRH, directeur financier, directeur marketing, COO…

Les avantages pour l’entreprise sont évidents : un accès quasi immédiat à des compétences manquantes,  pas de délai et de frais de recrutement, un coût sous contrôle sans impact sur la masse salariale, une flexibilité quasi-totale en fonction de la charge de travail . Mais, l’intervention d’un tel profil permet aussi aux équipes une montée en compétences rapide et une indépendance par rapport aux enjeux de politique interne.

C’est entre autre en cela que le leadership fractionné se distingue du consulting classique. Le « fractionné » intègre l’entreprise, participe aux décisions, s’implique dans le durée là où le consultant intervient ponctuellement en gardant un point de vue extérieur à l’entreprise. Il est une extension opérationnelle de l’équipe, plus qu’un observateur ou un conseiller.

Une forme de travail alignée avec les aspirations des talents

Ce modèle séduit aussi les cadres eux-mêmes. Nombre d’anciens dirigeants, après des parcours intenses en entreprise, souhaitent aujourd’hui un mode de travail plus souple, plus aligné avec leurs valeurs et leurs aspirations. Le leadership fractionné leur offre un compromis stimulant entre liberté et impact, entre pluralité des missions et sens du collectif.

Selon Forbes, le phénomène connaît une croissance rapide : LinkedIn comptait plus de 110.000 mentions du terme « fractional leadership » en 2024, contre seulement 2.000 en 2022Le modèle gagne en visibilité, en crédibilité — et s’installe durablement dans les pratiques.

Un modèle taillé pour le tissu économique wallon

La Wallonie nous parait un écosystème idéal pour le leadership fractionné. Selon les chiffres de l’IWEPS, plus de 94 % des entreprises wallonnes sont des TPE ou des PME de moins de 50 salariés. Parmi elles, près de 75 % ne disposent pas d’un comité de direction structuré, et plus de 60 % sont dirigées par leur fondateur. Ces profils sont souvent débordés, multi casquettes, et rarement entourés de l’expertise stratégique correspondant aux besoins moyen terme de l’entreprise.

Le leadership fractionné ne prétend pas remplacer le CDI, mais propose une alternative concrète pour renforcer les PME de manière ciblée, progressive, adaptée à leur rythme.

Activer plutôt que posséder

À l’heure où les défis économiques, humains et technologiques se multiplient, la vraie révolution managériale ne passe pas uniquement par les outils numériques, mais par une évolution du rapport aux compétences.

Les PME wallonnes gagneraient à passer d’une logique de possession à une logique d’activation des talentsIl ne s’agit plus de « posséder » des profils clés, mais de les mobiliser intelligemment, au bon moment, pour les bonnes missions.

Et si la vraie question n’était plus « Qui recruter ? »,
mais plutôt : « Quelle compétence activer, ici et maintenant ? »